Que savoir sur la transition IBOR ?

Sur les marchés financiers, le taux IBOR correspond à l’InterBank Offered Rate, c’est-à-dire le taux qui mesure le coût de financement des prêts non garantis à court terme par les grandes banques actives dans le monde entier. Le taux IBOR est donc par exemple utilisé par les banques pour se rémunérer sur les prêts accordés à des entreprises et des gouvernements, ainsi que par des acteurs du marché de détail. Il sert donc principalement d'indices dans les contrats financiers, mais il peut également servir de benchmark pour la valorisation des fonds.
Face à de nombreux dysfonctionnement et notamment des manipulations de taux vis à vis de certains indices (IBOR notamment, EURIBOR..), l’union européenne a choisis d’enrichir sa législation avec le règlement de BenchMark Regulation (BMR) de 2018. Ce règlement vise avant tout à renforcer le cadre juridique applicable aux indices et revoir le calcul des indices ainsi que des taux de référence, notamment IBORs (InterBank Offered Rates) ou ESTER (pour remplacer EONIA) à partir de l’année 2020.
L’organisme de régulation du LIBOR (London IBOR), la Financial Conduct Authority (FCA), a déclaré en 2017 qu'elle n'incitera plus les banques à faire des soumissions pour le LIBOR après le 31 décembre 2021. Les soumissions IBOR pourraient alors chuter de manière significative, provoquant potentiellement la suspension à terme de sa publication (en 2017, environ 350 trillions de dollars d’actifs financiers étaient reliés aux indices IBORs)
A la suite de cette déclaration, de nombreux représentants d'entreprises du secteur financier dans diverses juridictions ont identifié des indices de remplacement et des consultations sont en cours pour établir de nouvelles conventions et des approches de transition. Cette transition est en train aujourd’hui d’être effectuée vers l’ARR qui signifie Alternative Reference Rate, autrement dit, taux de référence alternatif.
Nouveau cadre européen : Règlement Benchmark ou BMR
Afin de renforcer la transparence et la fiabilité des indices de référence, le Règlement européen (UE) n° 2016/1011 du 8 juin 2016 définit un nouveau cadre réglementaire concernant les indices utilisés comme indice de référence (« le Règlement Benchmark » ou « BMR ») renforçant plus particulièrement leurs méthodes de calcul, ou en fixant des obligations pour ceux qui les utilisent. Le but étant d’assurer la pérennité des contrats indexés sur ces indices et le bon fonctionnement des marchés financiers de l’Union Européenne.
Le système BMR est composé de 3 catégories nivelées par importance :
- Importance critique si :
- La valeur des contrats et instruments financiers qui l’utilisent est au moins égale à 500 Mrds € ;
- La valeur précitée est au moins égale à 400 Mrds €, il n’existe pas d’indice de substitution et une cessation de l’indice implique des risques importants ;
- Ou la majorité des personnes contribuant à l’indice est située dans le même État membre, qui a reconnu cet indice comme critique.
- Importance significative si :
- La valeur des contrats et instruments financiers et des fonds d’investissement qui l’utilisent est au moins égale à 50 Mrds € ;
- Ou il n’existe pas d’indice de substitution et une cessation de l’indice implique des risques importants.
- Importance non-significative :
- Tous les indices de référence qui ne sont pas catégorisés comme indice d’importance critique ou indice d’importance significative.
Ces indices de référence (aussi dénommés taux de référence ou index de référence) sont utilisés plus particulièrement par les banques, les assureurs et les sociétés de gestion de portefeuille (SGP) dans le cadre de leurs opérations, notamment pour des crédits à taux variable, et dans le calcul de taux de rémunération d’un instrument financier ou d’un fonds d’investissement alternatif (FIA). En Europe, pour les indices significatifs :
- Depuis le 2 octobre 2019, la Banque Centrale Européenne publie un nouveau taux au jour le jour : Euro Short Term Rate (€STR) qui remplace progressivement l’Eonia.
- Depuis cette date l’Eonia est fixé chaque jour à €STR + 8,5 points de base et disparaitra définitivement le 3 janvier 2022.
- Probable disparition du Libor EUR à horizon fin 2021.
- Hors Europe, création ou réforme de nouveaux indices, dits RFR ou « Risk Free Rate »: le SOFR aux Etats-Unis ; le Sonia au Royaume-Uni ; le Saron en Suisse ; le Tonar au Japon ; etc. ; les LIBORs actuels étant amenés à disparaître.
Quelles sont les principales différences entre IBOR et ARR ?
Les taux IBOR sont des taux de prêts interbancaires non garantis de différentes durées. En cela, ce sont des taux prospectifs axés sur l'avenir qui intègrent des risques de crédit bancaire non garantis. Ces taux sont mis en place par les institutions bancaires et l’intervention des experts sur le sujet.
Les ARR sont, pour leur part, des taux d'intérêt au jour le jour, qui comprennent peu ou pas de risque de crédit. En outre, les marchés sous-jacents aux ARR sont nettement plus liquides et transparents que ceux sous-jacents aux IBOR. Par conséquent, alors que les IBOR dépendent plus fortement des estimations des experts, les ARR sont basés sur les transactions.
Quels impacts liés à cette transition de taux de référence ?
La transition de IBOR à ARR va impacter la sphère financière notamment à cause des contrats qui sont bâtis sur ces taux. En effet, des milliers de produits financiers sont basés sur l’IBOR, représentant des milliers de milliards de dollars de dettes, de dérivés qui devront être réévalués pour passer sur un taux ARR. Comme l’élaboration des taux IBOR et ARR sont très différents, des changements de valorisation d’actifs sont un risque important lié de cette transition de taux de référence. L’incertitude autour de la mise en place de la transition IBOR pourrait engendrer une diminution de la liquidité du marché des dérivés en raison de la multiplication des taux de référence, fragmentant ainsi le marché.
Au-delà d’un changement de valorisation des actifs, cette transition impacte également les modèles d’analyse de risques. Pour prévoir ces nouveaux risques, les acteurs financiers devront calculer les spreads à appliquer à l’ARR, qui seront différents de l’IBOR. Ainsi la transition IBOR vers ARR va demander un travail important des acteurs financiers pour adapter leurs modèles de risques et leurs documents contractuels.
Au regard des systèmes d’information, la conception et la mise en œuvre des SI seront essentielles pour assurer une transition IBOR réussie vers les nouveaux taux (RFR). Les tests, en particulier, constitueront un effort important en 2021. La surveillance de l'exposition aux risques et la numérisation des processus (tels que l'approbation des produits et le suivi des pertes et profits) sont les deux principaux domaines où de nouveaux outils sont nécessaires. Le test de ces nouveaux SI sera un défi, les acteurs bancaires estiment qu'il existe un risque élevé, en raison de l'ampleur et de la portée des tests requis en amont et en aval.
Le flou réglementaire autour de la transition pourrait ralentir celle-ci. En effet, les régulateurs voient la transition IBOR comme une démarche volontaire des acteurs financiers. Ainsi, il n’y a pas une feuille de route stricte pour effectuer cette transition, entrainant une position attentiste de certains acteurs financiers.
La renégociation des contrats existants
Les organismes financiers vont devoir revoir les contrats pour refléter le changement de IBOR à ARR. Ainsi les contrats à long terme peu standardisés se verront modifiés en cours de durée de vie faisant ainsi peser un risque potentiel de transition IBOR. Pour les contrats dérivés standardisés, ils seront mis à jour après l’échéance du produit. Lors d’opération de type Swap, le manque de coordinations des acteurs pour la transition IBOR peut résulter dans un challenge opérationnel avec une opération où les contreparties utilisent pour un FX swap un calcul par IBOR et l’autre par ARR. Ainsi ces challenges opérationnels sont à surveiller de près pour les acteurs financiers actuels, car cette transition a un impact fort sur la relation avec leurs clients et leurs contreparties, impactant ainsi potentiellement fortement leur PnL sur certaines activités de marché.
Par ailleurs, le changement de IBOR à ARR peut être source de risque de réputation et légaux en fonction du calcul effectué par les banques définissant les nouveaux spreads de ces produits à taux variables. Les clients seront amenés à arbitrer ces taux en fonction des différents spreads des acteurs financiers.
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