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Présidentielles 2022 : Quels programmes pour les transports ?

train en marche
30 mars 2022
Transport et mobilités

La campagne présidentielle se fait particulièrement discrète du fait de la guerre en Ukraine, pourtant de nombreux enjeux attendent le futur président ou la future présidente. C’est le cas de la transition environnementale, où les transports représentent l’un des principaux leviers, et de la vie quotidienne des français, au travers du temps et du budget qu’ils consacrent à leur mobilité.

Le dernier quinquennat a donné lieu à des tournants majeurs avec la Loi d’Orientation des Mobilités ou le nouveau pacte ferroviaire. Toutefois, ils n’ont pu empêcher l’émergence du mouvement des gilets jaunes qui a montré que la mobilité peut être contrainte et que l’évolution des réglementations environnementales doit être soutenable pour l’ensemble de la population.

Les représentants des différents candidats ont pu s’exprimer dans le cadre de plusieurs rencontres, dont l’une organisée par la revue Ville, Rail et Transport tandis qu’une autre, programmée par l’association TDIE, spécialiste des infrastructures de transport, était animée par la revue Mobilettre.

Tous les candidats n’auront pas répondu à leurs appels, et nous ne connaîtrons donc pas les points de vue de Nathalie Arthaud, Jean Lassalle, Philippe Poutou et Nicolas Dupont-Aignan. On regrettera également que le programme d’Emmanuel Macron n’ait pas encore donné lieu à des propositions chiffrées.

 

Candidats Partis politiques Représentants ayant participés aux rencontres
Fabien Roussel Parti communiste français Jacques Baudrier
Emmanuel Macron La République en marche Fabienne Keller
Paulin Dementhon
Marine Le Pen Rassemblement national Franck Briffaut
Éric Zemmour Reconquête  
Jean-Luc Mélenchon La France insoumise Arsène Ruhlmann
Émilie Marche
Anne Hidalgo Parti socialiste Olivier Jacquin
Nicolas Meyer-Rossignol
Yannick Jadot Europe Écologie Les Verts David Belliard
Vincent Dubail
Valérie Pécresse Les Républicains Philippe Tabarot
François Durovray

Le constat de l’urgence climatique est partagé par la plupart des candidats. Les objectifs de réduction des gaz à effet de serre sont d’ailleurs maintenant posés à l’échelle européenne et internationale, et ne se discutent plus. Seuls Marine Le Pen et Éric Zemmour y sont peu sensibles et privilégient une approche des transports très largement routière, réduisant les contraintes sur l’usage de la voiture et la taxation de l’essence.

De la même manière, le droit à se déplacer pour tous est un axe important quelle que soit la couleur politique.
Les moyens d’y arriver marquent par contre de nettes divergences.

La place de la voiture : un sujet incontournable

Tous les candidats s’accordent sur l’importance que prend aujourd’hui la voiture individuelle dans les déplacements des français, et sont vigilants à lui trouver une place.

Elle va devoir jouer un rôle en optimisant ses usages avec l’autopartage et le covoiturage que tous veulent promouvoir. 
Alors que le prix de l’énergie flambe, l’énergie électrique fait son chemin. Des bornes de recharges doivent rapidement couvrir le territoire (200 000 pour Valérie Pécresse, un million pour Anne Hidalgo et Yannick Jadot). Seul Jean-Luc Mélenchon ne croit pas au tout électrique, et souhaite que l’ “État stratège” qu’il prône, imagine de nouvelles motorisations. 

Pour moderniser le parc automobile et tendre vers son électrification, des subventions sont proposées, jusqu’à 10 000 € pour Fabien Roussel, y compris pour des véhicules d’occasion, de quoi rajeunir rapidement le parc sans en limiter l’accès aux “CSP+ âgés”. En contrepartie, il amplifiera nettement le malus au poids des véhicules.

Anne Hidalgo a proposé un système de financement d’un véhicule électrique neuf, le “leasing social”, idée reprise par Emmanuel Macron : il s’agit pour le même coût mensuel d’usage de troquer son véhicule thermique, l’État se portant garant du financement.

Elle prévoit également le “retrofit”, tout comme Yannick Jadot qui souhaite la création d’une filière industrielle et un million de véhicules essences convertis à l’électricité pour un coût entre 10 et 15 000 €.

Les mobilités douces : vers une ambition nationale pour le vélo

L’usage du vélo a fait un bond en avant à la faveur de la Covid. Le président sortant met en avant son soutien à cet enthousiasme avec le “coup de pouce vélo” ayant permis de réparer et sortir des caves de nombreux vélos.

Valérie Pécresse ne souhaite pas le voir cantonner aux villes et le développer dans le périurbain. 

Certains se fixent des objectifs ambitieux pour augmenter la part modale du vélo (aujourd’hui de 3%) : Yannick Jadot souhaite atteindre 15% et Fabien Roussel 20%. Ce dernier considère ce mode comme le levier le plus efficace pour répondre aux enjeux. Il engagera tous les ans un milliard d’euros pour construire 100 000 km de pistes cyclables.

Chez Jean-Luc Mélenchon, on n’oublie pas de prévoir un système global, avec les emplacements de stationnement, la possibilité de louer un vélo en libre-service partout, quel que soit l’opérateur, et de créer 150 000 emplois dans la filière vélo.

Investissements : faire survivre le réseau ferré, ou le rendre moderne et performant ?

Tout le monde s’accorde sur l’importance de l’investissement dans le domaine ferroviaire, seul mode répondant d’ores et déjà pleinement aux problématiques de décarbonation.

Si des investissements sans précédent ont eu lieu sous le dernier quinquennat, comme le souligne Emmanuel Macron, ils restent en grande partie liés au plan de Relance suivant la crise Covid, et limité à deux années. Se basant en particulier sur le récent rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI), ces investissements (2,8 milliards par an) paraissent à tous insuffisants pour assurer la pérennité du système ferroviaire.
Yannick Jadot, le plus généreux, propose jusqu’à 7 milliards par an… C’est ce que les Suisses dépensent sur un réseau six fois plus petit.

Pour avancer plus vite, les cofinancements européens sont appelés en renfort. Les projets éligibles sont ainsi privilégiés. C’est le cas de l’amélioration des corridors européens, ou la numérisation massive des systèmes, clé de la performance du réseau : ERTMS, Commande Centralisée du Réseau, attelage numérique et automatique des wagons de fret, 5G ferroviaire… Emmanuel Macron annonce d’ailleurs faire de ces outils numériques un élément fort de sa politique d’innovation dans les transports.

Pas de dépense sans ressource : la question du financement

L’enjeu du financement passe également par sa capacité à être assuré sur la durée, sans renégociation à chaque alternance politique ou programmation budgétaire annuelle. Cette question est globalement peu abordée par les candidats. Toutefois, Fabien Roussel propose un système clair et éprouvé : celui du Grand Paris. Comme pour le financement de la Société du Grand Paris, la taxation des bureaux et des parkings d’hypermarchés, permet de façon “indolore” de récupérer plusieurs milliards annuellement. Avec un fléchage de la ressource permettant sa pérennisation.

Valérie Pécresse met en avant l’importance de flécher la fiscalité environnementale pour la rendre acceptable.

Développer et gérer les infrastructures

Les grands projets de LGV sont globalement soutenus assez largement, ce qui peut constituer une surprise après les discours sur la priorité à donner au réseau existant. Yannick Jadot s’y oppose fermement, mais les autres candidats y voient, dans le cadre d’investissements massifs, un bon moyen, complémentaire, pour prendre des parts de marché à l’avion et à la voiture individuelle sur les longues distances.

Mais tout ne peut tourner autour du ferroviaire pour Valérie Pécresse, qui pose la question d’alternatives moins coûteuses, par exemple des voies de bus sur autoroute en anticipation des RER métropolitains. Choix similaire à Jean-Luc Mélenchon, qui ne voit pas ces RER comme un modèle à plaquer à toutes les métropoles.

Quant au réseau routier national, l’avenir des concessions autoroutières fait débat : entre la simple attente de leur fin pour y réfléchir (Emmanuel Macron), jusqu’à la nationalisation rapide (pour Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon). Anne Hidalgo propose pour sa part la création d’une structure de gestion du réseau routier national, “Routes de France”, disposant d’une ingénierie forte aussi bien pour gérer en propre une partie du réseau (non concédé) et le pilotage de concessions le cas échéant.

Un sujet très politique : l’entreprise publique SNCF

Le sort de la SNCF et son ouverture à la concurrence posent de nettes divergences. La réforme ferroviaire (2015) a acté le rapprochement du gestionnaire d’infrastructure (SNCF Réseau) avec le transporteur (SNCF Voyageurs) dans un souci d’efficacité. Certains, comme Fabien Roussel ou Jean-Luc Mélenchon, souhaitent revenir à une entreprise unique, sans concurrence. Yannick Jadot ne s’oppose pas à cette dernière pour des coopératives complémentaires à la SNCF, l’augmentation de l’offre étant la priorité.
Pour autant, alors que des experts poussent à supprimer tout lien entre le réseau et le transporteur pour dynamiser la concurrence, aucun candidat ne se risque à la proposer.

L’équilibre économique des transports urbain et leur tarification

C’est là où les différences sont les plus marquées entre les candidats, de même que sur les ressources liées au versement mobilité dont s’acquittent les entreprises. Fabien Roussel prône ainsi la gratuité complète des transports urbains, comme des TER pour le domicile-travail et même la réduction de 30% pour les trajets nationaux en train. Pour le financer, il mise sur l’augmentation du versement mobilité.
Yannick Jadot propose le “Ticket Liberté Climat” pour 50€ (demi-tarif) ou 100€ (tout inclus) par mois à tout jeune de 16 à 25 ans, incluant tous les transports en commun, train, voiture et vélo en libre-service. 

Anne Hidalgo propose une baisse de la TVA à 5,5% sur les transports urbains et les trains.

Emmanuel Macron et Valérie Pécresse préfèrent affirmer le besoin de financement des transports, et de participation des usagers. Jean-Luc Mélenchon ne considère pas non plus que réduire le prix du transport en commun, déjà bas, soit une priorité.

La clé de l’aménagement du territoire

Il n’y a pas d'évolution des usages de la mobilité sans un regard sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire. Et sur ces sujets, les candidats restent très discrets. 
Yannick Jadot propose un indicateur pour évaluer la dépendance à l’automobile des logements : le mobiloscope. 

Éric Zemmour souhaite, lui, interdire la construction de zones commerciales à l’entrée des villes et villages, ce qui renforcerait l’attractivité des centres villes, accessibles sans véhicules.

Conclusion

Le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau est à peine signé, qu’il devra vraisemblablement faire l’objet d’une refonte tant l’ensemble des candidats le trouvent insuffisant pour atteindre les objectifs globaux de décarbonation des transports.

La voiture, un temps honnie, fait son retour dans les propositions, en cohérence avec la réalité de son usage, mais dorénavant partagée et complémentaire des autres modes. 

L’aérien fait finalement peu parler de lui sur le strict cadre national. Si des propositions de taxation du kérosène existent (Anne Hidalgo et Yannick Jadot), la priorité va à proposer des alternatives crédibles : Lignes à Grande Vitesse, trains de nuit, etc.

Pour réaliser toutes ces ambitions, la question du financement devra très rapidement être éclaircie pour le garantir sur la durée avec des ressources dédiées pérennes.

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Mathilde COMTE
Senior Partner - Directrice de l’Offre Transport et Mobilités

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